Un court historique du BPM – Huitième (et dernière) partie

Un court historique du BPM – Huitième (et dernière) partie
sur une idée originale de Sandy Kemsley

Chaque analyste, éditeur et client définit le BPM à sa façon, parce que la définition actuelle du BPM est très vague, et qu’il y a beaucoup d’éditeurs qui revendiquent une place sur ce marché. Les éditeurs d’EAI/ESB appellent leurs produits BPM, mais ces produits ne contiennent la plupart du temps que quelques rares fonctionnalités à destination d’acteurs « humains ». Les éditeurs de workflow qui s’auto-proclament éditeurs BPM ne disposent pas de l’infrastructure nécessaire à l’intégration, et traitent bien mal la plupart du temps les étapes automatisées. Quelques produits de pure intégration se prétendent aussi être des workflows, de façon à accroître encore la confusion. Il y a également pas mal d’offres complémentaires, comme les outils de reporting analytique et de simulation, et les moteurs de règles : les éditeurs de BPM vous diront que telle fonctionnalité bien particulière doit faire partie de l’offre de base en matière de BPM (si leur produit l’inclut) ou ne doit jamais en faire partie (si leur produit ne l’inclut pas). Et en plus maintenant la dimension SOA vient rendre la confusion encore plus grande.

De mon côté, je pense comme Sandy que le terme BPM est pas mal galvaudé aujourd’hui comme l’a été celui de workflow ces dernières années. Je suis surpris de découvrir régulièrement de nouveaux éditeurs « BPM » et de nouvelles offres « BPM » chez ces éditeurs, la seule vraie raison étant à mes yeux – et c’est plutôt rassurant en ce qui me concerne – le fait que le BPM ait enfin trouvé sa place au sein des organisations désormais et devienne un marché à part entière.

Le BPM est l’exemple même d’un domaine pour lequel la superficie couverte est plus grande que la somme des surfaces qui la composent. Ce n’est pas simplement du workflow plus de l’EAI plus du B2Bi plus des règles métiers plus plus plus … : c’est une quasi-intégration de tous ces outils en une seule et même suite qui fournit à une organisation la capacité de faire des choses qu’elle n’aurait jamais pu faire avant. Ceci ne signifie pas que tous les outils doivent être fournis par le même éditeur, mais il est essentiel de pouvoir mettre à disposition toutes les fonctionnalités du BPM au sein d’un seul et même environnement d’amélioration en boucle fermée des processus.

Là-aussi je rejoins Sandy et je recommande à tous ceux qui sont à la recherche de solutions BPM de commencer par demander à leurs interlocuteurs, éditeurs, consultant ou intégrateurs, leur définition du BPM. Ainsi le choix d’une solution n’en sera que plus simple une fois le premier tour d’horizon fait.

Le livre de Smith et Fingar intitulé « Business Process Management, The Third Wave » décrit bien cette « troisième vague » comme la capacité de créer une définition unique d’un processus à partir de laquelle plusieurs vues différentes de ce processus peuvent être tirées et sur les bases de laquelle de nouveaux systèmes d’information peuvent être construits. Ceci permet à différentes personnes aux profils différents – Responsable métier, analyste métier, utilisateur quotidien, développeur – de voir et de manipuler le même processus selon une représentation qui leur est propre et qui est dérivée de la même source. Smith et Fingar font l’analogie avec le langage HTML, pour lequel un utilisateur métier peut utiliser un environnement de développement intégré comme Frontpage pour voir et éditer du code HTML, ou un développeur peut éditer ce même code directement tout en travaillant tous les deux sur la même source. Les aller-retours entre l’outil de modélisation de l’analyste métier et l’environnement runtime du développeur sont une des façons de mettre ce principe en oeuvre, même si cette méthode « viole » l’idée de « source identique » au plus pur sens du terme, mais nous devons nous affranchir complètement de la notion de trajet en sens unique de l’analyse à la mise en oeuvre telle qu’elle est vue par bon nombre d’organisations.

De plus, Smith et Fingar mettent en avant le fait que dans le monde du BPM, la capacité à changer est bien mieux mise en valeur que la capacité à créer initiale, et que le BPM possède le potentiel nécessaire pour libérer le développement d’applications du cycle classique — le Saint Graal du « zero code » qui fait la une de la presse ces temps-ci. Ils font une analogie là-aussi avec VisiCalc, qui retire l’analyse personnalisée des données des mains du département informatique pour la mettre dans celles des utilisateurs métiers, retirant le développement logiciel du chemin critique pour l’atteinte des résultats.

Zero-code en matière de BPM ? Un voeu pieux en effet, mais nous en sommes encore loin aujourd’hui, quelque soit l’éditeur. Certains offrent en effet des facilités plus importantes que d’autres pour mettre en oeuvre des applications avec un minimum de développements mais dans la mesure où le BPM sous-entend l’intégration au Système d’Information en partie, je ne pense pas que nous puissions assister à une mise en oeuvre sans aucun développement de sitôt.

Pour en revenir au sujet initial de cette note, quel est le statut actuel du BPM ?

Premièrement nous trouvons plusieurs sociétés dans le marché des purs acteurs BPM et fournisseurs de suites BPM : elles fournissent des BPM de type « à interaction humaine » excellents et des fonctionnalités d’intégration adéquates, certaines d’entre elles fournissant des capacités d’intégration exceptionnelles. Lors du séminaire BPM du Gartner au début de cette année, ont été listés les trois acteurs majeurs de ce secteur aux revenus supérieurs à 100 Millions d’US$ — FileNet, Pegasystems et Global 360 ainsi que cinq nouveaux arrivants au revenu supérieur à 30 Millions d’US$ — Appian, Lombardi, Savvion, Metastorm et Ultimus — tout en ignorant toutes les sociétés de plus faible envergure que toutes celles-ci. Ces huit sociétés se retrouvent dans les bons quadrants du Gartner et de Forrester, ce qui signifie qu’elles possèdent toutes les fonctionnalités requises ou sont à mêmes de les fournir en partenariat avec un autre acteur.

C’est la vision de Sandy sur le marché nord-américain. Pour l’Europe et la France en particulier je pense que l’on peut ajouter à la liste W4 qui est assez présent sur le secteur public et para-public à ma connaissance sans avoir la dimension internationale que l’on connaît aux acteurs cités ci-dessus.

En second, nous retrouvons quelques éditeurs spécialisés dans l’intégration qui ont fait l’acquisition d’éditeurs spécialisés dans le BPM pour disposer d’une gamme complète de fonctionnalités. Les deux exemples les plus pertinents sont l’acquisition par TIBCO de Staffware en 2004, et l’acquisition par BEA de Fuego au début de cette année. Dans les deux cas, il y a une complémentarité intéressante mais ma préoccupation est de savoir si les capacités de BPM « à visage humain » ne vont pas avoir tendance à être dévalorisées sachant que ces sociétés sont très focalisées sur l’intégration.

En troisième lieu, nous trouvons les grands éditeurs qui ont développé (ou acquis) un produit de BPM : IBM, Microsoft et Fujitsu, diables surgissant de leur boîte. Dans la plupart des cas, comme pour IBM et Microsoft, leurs produits de BPM sont initialement orientés intégration sans énormément de support des transactions à caractère humain, ces sociétés adressant le marché avec des offres du type « vous prendrez bien quelques frites avec ça … » s’adressant à leurs clients déjà attachés à leur architecture. MQ Series Messaging d’IBM est très certainement le middleware le plus utilisé en matière d’intégration dans les services financiers, bien que je crois qu’IBM l’appelle (comme tout le reste de l’offre) « Websphere » désormais, et IBM maintient à juste titre cette offre comme partie intégrante de sa stratégie BPM. Fujitsu est le plus curieux du lot ici, avec ce qui paraît être un BPMS parfaitement fonctionnel; malheureusement ils ont promu très furtivement cette offre et la plupart des gens ne la connaissent pas : comme je le dis dans une de mes notes à propos du séminaire BPM du Gartner, « qui savait que Fujitsu faisait du BPM? »

En Europe n’ayont pas peur d’ajouter à la liste SAP et Oracle, le premier poussant ses capacités d’intégration sans trop disposer à ce jour de fonctionnalités pures et dures de BPM mais avec la puissance de feu qu’on lui connaît auprès de sa base installée en particulier, le second arrivant sur un marché juteux avec une offre encore bien maigre mais avec beaucoup d’ambition et de moyens. En ce qui concerne Microsoft, les quelques projets dont j’ai entendu parler sont tous portés par des éditeurs partenaires et non par Microsoft directement, avec des offres comme K2Net et Ultimus sans succés à ma connaissance (corrigez-moi si je me trompe).

Nous allons continuer à voir la plupart du spectre fonctionnel métier poussé par les éditeurs de la première catégorie car ils recherchent toujours de meilleurs moyens d’intégrer les règles métiers, l’analytique, la gestion de la performance et autres capacités dans le BPM; en fait la plupart de l’innovation semble venir des plus petits éditeurs de cette catégorie en raison de l’absence de contraintes tel que je l’ai présenté dans la septième partie de cet historique.

En raison de la focalisation actuelle des organisations sur l’amélioration des processus, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de risque que les éditeurs que j’ai cité ici disparaissent du marché du BPM prochaînement. Cependant, les éditeurs de produits d’intégration vont acquérir certains des éditeurs de suites BPM pour élargir leur portefeuille, et les grandes sociétés de logiciel vont acquérir un « bout de quelque chose », dans la logique du cycle darwinien inhérent à ce type d’organisation.

Avant que vous, éditeurs, ne commenciez à ajouter des commentaires d’auto-promotion à cette note, n’oubliez pas qu’elle n’a pas prétention à être une liste exhaustive ou encore une revue des différents éditeurs d’outils BPM, et je sais bien que vous êtes tous très particuliers chacun à votre façon. 🙂

Je rajouterais pour terminer cette série sur l’historique du BPM que je suis preneur de toutes vos remarques et que ces notes ne demandent qu’à s’enrichir de vos expériences et avis respectifs. N’hésitez donc pas à réagir et/ou à me contacter, n’en profitez pas non plus pour faire trop d’auto-promotion de vos produits au détriment des autres, je rappelle comme Sandy l’a fait dans sa note originale que je suis aussi persuadé qu’elle que tous les outils présents sur le marché aujourd’hui ont leur propre valeur, et qu’aucun ne mérite d’être mis de côté systématiquement par une organisation lorsqu’elle est à la recherche de solutions. Je laisserai de côté par contre volontairement les effets de bord liés à la taille de la société éditrice et à son recul et son expérience, aspects certes importants mais hors sujet dans le cadre de cette série de notes.

Retrouvez l’article original sur le blog de Sandy Kemsley

4 thoughts on “Un court historique du BPM – Huitième (et dernière) partie

  1. Jean-Christophe Post author

    @Christophe, la situation a en effet beaucoup évolué, de même que les acteurs et les offres. Peut-être me faudrait-il d’ailleurs actualiser les articles ? J’y pense …

  2. christophe

    la situation a surement évolué depuis 2006,
    mais j’ai trouvé cet article et vos analyses très intéressantes
    merci !

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